Les infractions urbanistiques en Région wallonne

I. Les infractions urbanistiques

1. La matière des infractions urbanistiques a connu une évolution importante à la suite de l’entrée en vigueur, le 1er juin 2017, du Code du Développement Territorial (ci-après « CoDT »). Précédemment régie par les articles 154 et suivants du Code wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et du Patrimoine, cette matière est désormais régie par les dispositions du Livre VII du nouveau Code.

2. L’article D.VII.1, § 1er, dudit Code énumère les cas qui sont susceptibles de constituer une infraction urbanistique. Parmi ces cas, il y a bien entendu tout d’abord le fait de réaliser des actes et travaux sans avoir obtenu préalablement le permis d’urbanisme requis. Ainsi l’article D.VII.1, § 1er, 1°, dispose notamment que « l’exécution des actes et des travaux visés à l’article D.IV.4 […], sans permis préalable, […] » constitue une infraction urbanistique.

À ce propos, pour déterminer si un permis est requis, il convient donc d’avoir égard à l’article D.IV.4 qui liste les actes et travaux devant faire l’objet d’une autorisation préalable. Il y a aussi lieu d’avoir égard aux actes et travaux exonérés d’une telle autorisation, lesquels font l’objet d’une nomenclature reprise à l’article R.IV.1-1 du CoDT. Cette nomenclature a d’ailleurs été modifiée par un arrêté du Gouvernement wallon du 9 mai 2019 modifiant la partie réglementaire du Code du Développement Territorial (M.B. 14 novembre 2019).

Sous réserve de ce qui est exposé ci-après, la poursuite et le maintien d’actes et travaux réalisés sans le permis requis ou en méconnaissance de celui-ci sont aussi susceptibles de constituer une infraction urbanistique selon l’article D.VII.1, § 1er, 2° et 3°, du CoDT.

L’article D.VII.1, § 1er, 4°, dispose encore qu’« à l’exception des actes et travaux autorisés en dérogation ou exonérés de permis, le non-respect des prescriptions des plans de secteur et des normes du guide régional d’urbanisme » constitue une infraction urbanistique.

Il s’agit d’une modification importante par rapport au précédent régime dès lors que le non-respect des prescriptions des plans communaux d’aménagement – devenus des schémas d’orientation locaux – ainsi que des règlements communaux et régionaux – devenus des guides communaux et régionaux d’urbanisme – constituait une infraction urbanistique. Cela étant, à la suite de l’entrée en vigueur du CoDT, ces instruments ont acquis une valeur indicative et leur non-respect n’est désormais plus constitutif d’une infraction.

II. Prescriptions et présomptions de conformité

3. La principale réforme de la matière des infractions urbanistiques se situe dans la mise en place d’un régime selon lequel, à certaines conditions, la poursuite et le maintien de certains actes et travaux ne sont plus susceptibles d’être infractionnels en fonction du moment de leur accomplissement ou de l’écoulement d’un certain délai.

A. Le maintien de travaux exécutés avant le 21 avril 1962

4. L’article D.VII.1, § 1er, 3°, du CoDT dispose qu’est constitutif d’une infraction urbanistique, « sans préjudice de l’article D.VII.lbis, le maintien des travaux exécutés après le 21 avril 1962 sans le permis qui était requis ou en méconnaissance de celui-ci ».

A contrario, il en résulte que le maintien de travaux exécutés avant le 22 avril 1962 n’est pas constitutif d’une telle infraction. Cette date correspond à l’entrée en vigueur de la loi organique du 29 mars 1962 de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Celle-ci avait déjà été retenue sous l’ancien régime pour présumer de la régularité des travaux accomplis avant l’entrée en vigueur de ladite loi et qui a alors généralisé la nécessité d’un permis.

B. Les actes et travaux réalisés ou érigés avant le 1er mars 1998

5. L’article D.VII.1bis, alinéa 1er, du CoDT dispose que « les actes et travaux réalisés ou érigés avant le 1er mars 1998 sont irréfragablement présumés conformes au droit de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme ».

Ces actes et travaux bénéficient donc d’une présomption de conformité. Cela étant, l’alinéa 2 écarte cette présomption dans plusieurs hypothèses dont, notamment, lorsque les actes et travaux ont consisté à créer un ou plusieurs logements alors qu’un permis était alors requis – à partir du 20 août 1994 – ou encore lorsque ces derniers ont fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction avant l’entrée en vigueur du CoDT, soit avant le 1er juin 2017.

C. L’écoulement d’un délai de dix ans après l’achèvement des actes et travaux

6. L’article D.VII.1, § 2, alinéa 1er, dispose notamment que « le maintien des actes et travaux sans le permis qui était requis ou en méconnaissance de celui-ci n’est pas constitutif d’une infraction au terme d’un délai de dix ans après l’achèvement des actes et travaux ».

Plusieurs conditions cumulatives sont cependant prévues. Ces conditions sont au nombre de quatre et subordonnent l’application de la disposition précitée.

La première condition est que les actes et travaux infractionnels doivent avoir été réalisés soit dans une zone destinée à l’urbanisation au plan de secteur – par exemple, en zone d’habitat et non pas en zone agricole –, soit dans une zone d’aménagement communal concerté mise en œuvre et destinée, en tout ou en partie, à l’urbanisation – ce type de zone est une réserve foncière qui doit préalablement être mise en œuvre afin de déterminer si elle est destinée ou non à être urbanisée –, soit sur des constructions, installations ou bâtiments qui existaient avant l’entrée en vigueur du plan de secteur, qui sont conformes à l’affectation au plan de secteur ou encore qui ont été autorisés en dérogation à cette affectation – les actes et travaux infractionnels peuvent ainsi consister en des actes et travaux de transformation –.

La deuxième condition est que les actes et travaux infractionnels doivent être conformes aux normes du guide régional d’urbanisme. À ce propos, il convient, d’une part, de vérifier si un tel guide est applicable à l’endroit considéré ou aux actes et travaux en cause et, d’autre part, de vérifier si ledit guide comporte des prescriptions à valeur réglementaire. En effet, toutes les prescriptions du guide régional d’urbanisme n’ont pas une telle valeur et certaines d’entre elles ne sont pas des normes mais des prescriptions à valeur indicative.

À ce propos, il y a lieu de se référer à l’article D.III.2, § 2, du CoDT selon lequel le guide régional d’urbanisme peut notamment comporter des prescriptions à valeur réglementaire sur « l’accessibilité et l’usage des espaces et bâtiments ou parties de bâtiments ouverts au public ou à usage collectif, par les personnes à mobilité réduite ». Il faut également avoir égard à l’article D.III.11 , alinéa 2, du même Code, disposition de droit transitoire, qui identifient les prescriptions des règlements régionaux d’urbanisme existants – devenus des guides régionaux d’urbanisme – comme étant des normes à valeur réglementaire.

La troisième condition est que les actes et travaux infractionnels doivent rencontrer l’une des hypothèses listées par l’article D.VII.1, § 2, alinéa 1er, précité. Il convient d’observer que ces hypothèses visent toutes le cas où un permis a été délivré mais que ce dernier n’a cependant pas été entièrement respecté. Des limites à l’ampleur du non-respect dudit permis sont fixées en fonction des différentes hypothèses. Il y a donc lieu de vérifier concrètement si les actes et travaux infractionnels se situent ou non en dehors de ces limites.

Enfin, la quatrième et dernière condition est que les actes et travaux infractionnels ne doivent pas être de ceux qui sont visés à l’article D.VII.1bis, alinéa 2, du CoDT, c’est-à-dire ceux pour lesquels il ne peut y avoir de présomption de conformité au droit de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme nonobstant le fait qu’ils ont été réalisés avant le 1er mars 1998. À cet égard, cette présomption ne s’applique ainsi notamment pas si les actes et travaux ont fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction avant le 1er juin 2017.

D. L’écoulement d’un délai de vingt ans après l’achèvement des actes et travaux

7. L’article D.VII.1, § 2/1, du CoDT dispose que « le maintien des actes et travaux autres que ceux visés à l’article D.VII.1, § 2, et réalisés sans le permis qui était requis ou en méconnaissance de celui-ci n’est pas constitutif d’une infraction au terme d’un délai de vingt ans après l’achèvement des actes et travaux ».

Cette disposition vise donc l’hypothèse où les actes et travaux infractionnels ne rencontreraient pas les trois premières conditions qui ont été exposées ci-avant en sorte que leur maintien resterait constitutif d’une infraction au terme d’un délai de dix ans après leur achèvement. Le maintien de ces actes et travaux peut toutefois ne plus être constitutif d’une telle infraction au terme d’un délai de vingt ans après leur achèvement.

Cela étant, il reste que ces actes et travaux infractionnels ne doivent toujours pas être de ceux qui sont visés à l’article D.VII.1bis, alinéa 2, du CoDT, c’est-à-dire ceux pour lesquels il ne peut y avoir de présomption de conformité au droit de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Ainsi, notamment, si ces actes et travaux ont fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction établi avant le 1er juin 2017, leur maintien restera infractionnel et ce, indépendamment de l’écoulement d’un délai de dix ou de vingt ans après leur achèvement.

III. Conclusions

8. Il résulte de ce qui précède qu’à première vue le régime des infractions urbanistiques semble avoir été assoupli par l’introduction de dispositions au terme desquelles la poursuite et le maintien d’actes et travaux ne sont plus susceptibles de constituer une infraction en fonction du moment de leur accomplissement ou de l’écoulement d’un certain délai après leur achèvement. Cependant, à l’exception des actes et travaux qui ont été réalisés avant le 22 avril 1962, il apparaît que les conditions d’application des dispositions précitées sont relativement restrictives. Ainsi, dans la plupart des cas, il n’est pas invraisemblable que ces actes et travaux auront fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction.

Dans l’hypothèse où des actes et travaux ne devaient pas rencontrer l’une des hypothèses où leur poursuite ou leur maintien ne serait plus constitutif d’une infraction, il y a alors lieu d’examiner la ou les procédures au terme desquelles il peut être mis fin à l’infraction.