La nécessité d’obtenir un permis d’urbanisme pour aménager un ou plusieurs logements (appartement, studio, kot) dans son habitation sous le régime du CoDT

Peut-on aménager un studio, un appartement, un kot dans sa maison ?

Rappel

Avant le 20 août 1994, aucune disposition légale en droit de l’urbanisme wallon ne visait expressément la notion de « création d’un logement ».

En conséquence, l’acte consistant à créer un ou plusieurs logements n’était, en tant que tel, pas soumis à l’obtention préalable d’un permis.

La création d’un logement n’était en réalité appréhendée par le droit de l’urbanisme que lorsque cette création s’accompagnait de travaux de transformation, lesquels étaient, par hypothèse, soumis à l’octroi préalable d’un permis. Ce dernier était – et est d’ailleurs toujours requis – lorsque les travaux projetés portent atteinte aux structures portantes du bâtiment ou lorsqu’ils impliquent une modification de son volume construit ou de son aspect architectural.

À partir du 20 août 1994, date de l’entrée en vigueur du décret du 14 juillet 1994 modifiant l’article 192, 6° et complétant l’article 194 du Code Wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et du Patrimoine, l’article 192, 6°, dudit Code disposait qu’un permis de bâtir n’était notamment pas requis pour les actes et travaux suivants :

« Les travaux de transformation intérieurs et les travaux d’aménagement de locaux en ce compris les équipements correspondants tels qu’installations sanitaires, d’électricité, de chauffage ou de ventilation, pourvu qu’ils ne portent pas atteinte aux structures portantes du bâtiment et qu’ils n’impliquent aucun modification ni de la destination de celui-ci, ni du volume construit, ni de l’aspect architectural et pour autant que ces travaux n’impliquent pas dans ledit bâtiment la création d’au moins deux logements, qu’il s’agisse d’appartements, de studios, de flats ou de kots ».

Il résultait d’une lecture a contrario de cet article que la création d’au moins deux logements dans un bâtiment existant devait préalablement faire l’objet d’un permis de bâtir. Ce permis était requis indépendamment du fait que cette création était ou non accompagnée de travaux de transformation soumis à l’obtention préalable d’un permis.

La création d’un seul logement dans un bâtiment existant qui n’en comportait pas initialement n’était pas soumise à l’obtention préalable d’un permis, sauf à considérer qu’il s’agissait d’une modification de la destination dudit bâtiment. Par contre, si ce bâtiment comportait déjà un logement, la création d’un nouveau logement dans ce bâtiment était alors soumise à l’obtention d’un permis pour la création de ces deux logements.

La nécessité d’obtenir un permis pour la création d’au moins deux logements dans un bâtiment existant est maintenue à l’article 84, § 1er, 5°, du Code précité à la suite de l’entrée en vigueur du décret du 27 novembre 1997 modifiant ledit Code.

Ce n’est qu’à partir du 1er octobre 2002, date de l’entrée en vigueur du décret du 18 juillet 2002 modifiant à nouveau ce Code, que l’article 84, § 1er, 5bis, dispose qu’un permis est requis pour « créer un nouveau logement dans une construction existante ». De ce fait, la création d’un seul logement dans un bâtiment existant, qu’il comporte ou non déjà un logement, devient ipso facto soumise à l’obtention d’un permis. Tel est toujours le cas.

Depuis l’entrée en vigueur du CoDT, qu’est-ce qui a changé ?

Le 1er juin 2017, le Code du Développement Territorial (ci-après « CoDT ») est entré en vigueur.

L’article D.IV.4, alinéa 1er, 6°, dispose encore qu’un permis d’urbanisme est requis pour « créer un nouveau logement dans une construction existante ».

Cela étant, à la différence des précédentes réglementations, l’alinéa 2 de l’article D.IV.4 du CoDT précise que « par créer un nouveau logement dans une construction existante au sens du 6°, il faut entendre créer, avec ou sans actes et travaux, un nouvel ensemble composé d’une ou de plusieurs pièces, répondant au minimum aux fonctions de base de l’habitat à savoir cuisine, salle de bain ou salle d’eau, wc, chambre, occupé à titre de résidence habituelle ou de kot et réservé en tout ou en partie à l’usage privatif et exclusif d’une ou de plusieurs personnes qui vivent ensemble, qu’elles soient unies ou non par un lien familial ».

I. Notions et aspects pratiques

Cette définition peut être décomposée en trois critères pour déterminer si un permis d’urbanisme préalable est requis en ce qu’il s’agit de créer un nouveau logement.

En premier lieu, il faut que les actes et travaux consistent à créer « un nouvel ensemble composé d’une ou de plusieurs pièces, répondant au minimum aux fonctions de base de l’habitat à savoir cuisine, salle de bain ou salle d’eau, wc ».

À ce propos, il ressort de la jurisprudence que « le concept de logement a une acception large, allant du kot à l’appartement ou la maison d’habitation » et que, pour qu’il y ait création d’un nouveau logement, il faut que le nouvel ensemble « constitue une entité autonome » du reste de la construction existante (C.E., n° 238.097, 4 mai 2017, BICAK ; voy. aussi C.E., n° 233.996, 1er mars 2016, ROCHEMONT et consorts ; n° 225.725, 5 décembre 2013, STASSEN).

Ainsi, cette définition conforte l’idée que la création d’une colocation dans une habitation existante n’a pas soumis à permis d’urbanisme.

En deuxième lieu, il s’agit de créer un nouvel ensemble de pièces qui est « occupé à titre de résidence habituelle ou de kot ». Il en résulte que ce nouvel ensemble ne pourrait être qualifié de logement si celui-ci n’est occupée que de manière occasionnelle, c’est-à-dire, en d’autres termes, si la ou les personnes qui sont susceptibles de l’occuper n’y ont pas établi leur lieu de résidence principale et qu’ils n’y ont notamment pas élu domicile.

Cette deuxième précision semble donc exclure du champ d’application de la disposition précitée l’aménagement d’un espace dédié à de la colocation courte durée de type AIRBNB.

Attention s’agissant des kots étudiants, un permis d’urbanisme est en principe requis (sauf exception) et ce, qu’il soit ou non occupé par l’étudiant à titre de résidence habituelle.

En effet, l’article D.IV.4, alinéa 1er, 7°, du CoDT dispose notamment qu’un permis d’urbanisme est requis pour « modifier la destination de tout ou partie d’un bien, en ce compris la création dans une construction existante […] d’une chambre occupée à titre de kot ». Un permis d’urbanisme est ainsi requis non pas pour le fait de créer un nouveau logement mais bien pour le fait de modifier la destination de tout ou partie d’un bien.

Il existe une exception à ce qui précède : l’article D.IV.4, alinéa 3, du CoDT dispose que « la création d’une seule chambre occupée à titre de kot au sens du 7° chez l’habitant n’est pas soumise à permis ».

Enfin, en troisième lieu, le nouvel ensemble créé dans un bâtiment existant doit être « réservé en tout ou en partie à l’usage privatif et exclusif d’une ou de plusieurs personnes qui vivent ensemble, qu’elles soient unies ou non par un lien familial ».

Ce dernier critère renvoie ainsi à la notion de « ménage ». À cet égard, il convient de relever qu’il a déjà été jugé que le fait de prévoir plusieurs entités distinctes avec une ou plusieurs pièces communes dans un logement existant n’a pas pour effet de créer un nouveau logement si l’ensemble est destiné à être loué par le biais d’une colocation (C.E., n° 234.582, 28 avril 2016, VILLE DE LIÈGE).

II. Conclusions

Avant le 20 août 1994, aucun permis n’était requis pour créer un ou plusieurs logements dans un bâtiment existant et ce, pour autant que cette création ne nécessitait pas de réaliser des travaux de transformation pouvant, quant à eux, nécessiter un tel permis.

À partir du 20 août 1994 jusqu’au 31 septembre 2002, un permis de bâtir était requis pour la création d’au moins deux logements dans un bâtiment existant. La particularité résidait dans ce qu’il ne fallait cependant pas de permis pour créer un seul logement dans un bâtiment qui n’en comportait aucun, sauf à considérer qu’il s’agit d’une modification de la destination dudit bâtiment ou sauf en cas de travaux de transformation.

À dater du 1er octobre 2002 jusqu’à ce jour, un permis d’urbanisme est requis pour « créer un nouveau logement dans une construction existante ». Il importe peu que cette construction comporte ou non déjà un logement. La création d’un seul logement suffit pour qu’un permis soit requis, que cette création implique ou non des travaux de transformation.

La date à laquelle le ou les logements sont créés n’est pas sans conséquence sur la nécessité ou non de l’obtention préalable d’un permis de bâtir ou d’urbanisme. En effet, il y a lieu de se placer au moment de leur création pour déterminer si un permis est ou était requis.

ATTENTION : à supposer qu’un ou plusieurs logements aient été créés sans permis alors que ce dernier était pourtant requis au moment de leur création, l’écoulement du temps n’a aucun effet sur le caractère infractionnel de cette situation.

Les dispositions du CoDT selon lesquelles l’écoulement du temps est susceptible d’empêcher des poursuites ont toutes été rendues inapplicables lorsque l’infraction consiste en la création d’un logement.