En Région de Bruxelles-Capitale, le plan régional d’affectation du sol (PRAS) consacre, en priorité, les zones d’habitation à la fonction résidentielle.
Bien entendu, comme dans tout milieu urbain, une certaine mixité des fonctions y est attendue, sous peine de créer une cité dortoir.
Commerces, équipements d’intérêt collectif, bureaux, activités productives, etc. y sont donc admis pour autant que leur superficie ne dépasse pas un certain nombre de mètres carrés (dans l’objectif de s’assurer de la compatibilité de ces fonctions avec les logements).
Cette limitation est donc de nature à empêcher l’implantation de grandes superficies commerciales en ville.
Face à cet obstacle, très souvent, les promoteurs sont tentés d’utiliser la prescription 0.9 du PRAS, dite « clause de sauvegarde » en ce qu’elle permet de déroger aux limites de superficie précitées, moyennant certaines conditions.
Cette prescription est rédigée comme suit :
« Les immeubles existants dont la destination indiquée dans les permis de bâtir ou d’urbanisme qui les concernent ou, à défaut d’un tel permis, dont l’utilisation licite ne correspond pas aux prescriptions du plan peuvent faire l’objet de travaux de transformation, de rénovation lourde ou de démolition-reconstruction.
Ces actes et travaux respectent les conditions suivantes :
1° ils n’entraînent pas un accroissement supérieur à 20 % de la superficie de plancher existante par période de 20 ans ;
2° ils respectent les caractéristiques urbanistiques de l’îlot ;
3° ils sont soumis aux mesures particulières de publicité
(…) ».
La doctrine explique la « ratio legis » de cette disposition comme suit : « partant du constat que nombre d’immeubles existaient régulièrement au jour de l’entrée en vigueur du PRAS mais aussi que celui-ci pourrait s’opposer à une valorisation ultérieure de ceux-ci, la prescription générale 0.9 du PRAS instaure, à leur égard, une clause de sauvegarde. L’hypothèse est simple : si le PRAS ne peut – corollaire de son absence d’effet rétroactif – s’opposer à l’exploitation d’un immeuble de bureaux existant d’une superficie de 10.000 m2 en zone d’habitation, il ferait par contre échec à toute demande de permis en vue de sa démolition-reconstruction, la prescription de la zone d’habitation limitant précisément la superficie de bureaux à 500 m2 par immeuble. De même, toute demande de permis d’urbanisme en vue de changer l’utilisation, en zone d’habitation, d’un immeuble affecté à un cinéma de 5.000 m2 en commerce de vente de véhicules motorisés serait vouées à l’échec, la superficie commerciale étant limitée à 300 m2. Face à ces situations, le PRAS institue donc une clause de sauvegarde qui permet, pour certains immeubles, leur transformation, leur rénovation-lourde ou encore leur démolition-reconstruction mais aussi leur changement d’utilisation » (E. Brunet, J. Servais, Ch. Resteau, Répertoire pratique du Droit Belge, Complément, Bruylant, 2007, T. X, p.113).
Ainsi, la clause de sauvegarde a été prévue afin d’assurer une transition paisible dans le cadre de la mise en œuvre de l’aménagement du territoire poursuivie et consacrée par le PRAS :
« Alors que le présent plan régional d’affectation du sol est un plan volontariste déterminant les affectations auxquelles les parcelles concernées devront à l’avenir répondre ;
Qu’il s’agit donc de déterminer l’aménagement urbain futur de la Région de Bruxelles-Capitale ;
Que toute politique volontariste implique nécessairement une discordance entre la situation existante en fait et la planification future de la Ville ;
Qu’afin d’assurer une transition paisible entre la situation existante en fait et l’objectif visé par le plan régional d’affectation du sol, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a instauré le principe de la clause de sauvegarde qui permet la continuité des affectations régulièrement autorisées par la voie de permis d’urbanisme dans les conditions énoncées par les prescriptions particulières du plan régional d’affectation du sol » (préambule du PRAS, M.B., 14 juin 2001, p.19.805).
Afin d’assurer une transition douce, à titre dérogatoire, cette disposition permet donc qu’un immeuble existant, dont la destination ou l’utilisation n’est pas conforme au plan, fasse l’objet d’actes et travaux de transformation, de rénovation lourde ou de démolition/reconstruction.
A ce sujet, la doctrine expose que :
« D’une part, sont autorisés, pour ces immeubles, les travaux de transformation, de rénovation lourde ou de démolition-reconstruction. La transformation doit s’interpréter par référence à l’article 98, §1er, du CoBAT, qui la définit comme « la modification intérieure ou extérieure d’un bâtiment, ouvrage ou installation, notamment par l’adjonction ou la suppression d’un local, d’un toit, la modification de l’aspect de la construction ou l’emploi d’autres matériaux, même si ces travaux ne modifient pas le volume de la construction existante ». Elle a aussi été définie comme n’excluant pas « des travaux importants ni l’augmentation du volume bâti, fût-elle considérable ; [que] l’élargissement d’un immeuble et son exhaussement ne peuvent être assimilés à une reconstruction [mais bien à une transformation] » (C.E., 3 février 1995, Bardhuin, n°51.524). La démolition-reconstruction s’entend, pour sa part, du « remplacement de ce bâtiment ou de cet ouvrage part un autre d’une importance égale à celui qui a été démoli (F. HAUMONT, L’urbanisme en Région wallonne, o.c., p.515). Selon le sens commun, la rénovation lourde peut se définir comme « la remise à neuf, la restitution d’un aspect neuf » » (E. BRUNET, J. SERVAIS, CH. RESTEAU, Répertoire pratique du Droit Belge, Complément, Bruylant, 2007, T. X, p.113).
Tant la transformation que la rénovation d’un bâtiment excluent une démolition préalable de celui-ci. Il est impératif que le bien transformé ou rénové soit conservé. A défaut, il s’agit d’une nouvelle construction.
Sur la notion de reconstruction, le Conseil d’Etat a déjà considéré qu’est une reconstruction « l’habitation qui s’implantait en lieu et place du bâtiment en ruine, tout en reproduisant « en majeure partie le gabarit et le volume de l’habitation destinée à être détruite » (C.E., arrêt n°216.287 du 16 novembre 2011, DUHAUT).
Dans le cadre d’une reconstruction, il ne pourrait donc pas être fait abstraction de l’immeuble préexistant puisqu’il s’agit de le construire à nouveau.
En effet, en se tenant à la rigueur du texte, cette prescription ne permettrait pas de construire un nouvel immeuble, dont la destination, en tout ou en partie, n’est pas conforme au plan, sous prétexte qu’un immeuble préexistant présentait également une destination ou une utilisation non conforme.
En d’autres mots, cette disposition ne permet pas de construire un nouvel immeuble présentant une destination dérogatoire au PRAS par le simple fait que son édification est précédée de la démolition d’un autre immeuble qui présentait également une destination ou une utilisation dérogatoire.
C’est donc moyennant la conservation de l’immeuble existant – qui, dans une limite stricte, peut faire l’objet d’une transformation, d’une rénovation lourde ou d’une reconstruction – qu’une destination ou une utilisation dérogatoire au PRAS peut être maintenue.
A défaut, le PRAS évoquerait la possibilité de remplacer un immeuble existant par un autre immeuble moyennant certaines conditions. Or, c’est bien la notion de « reconstruction » qui a été retenue par le législateur.
A notre estime, en Région de Bruxelles-Capitale, trop souvent la clause de sauvegarde est donc utilisée pour justifier la construction de nouveaux bâtiments dérogatoires en zone d’habitation alors que ceux-ci ne peuvent aucunement être considéré comme étant de simples reconstructions.
Or, il importe de rappeler que selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, « la prescription générale 0.9 du PRAS est une disposition dérogatoire (…) et doit s’interpréter de manière stricte » (C.E., 224.553 du 4 septembre 2013, LE MAIRE).