Prouver la régularité d’un logement : le poids de la preuve à apporter

Comment prouver la régularité d’un logement ?

Fréquemment, le Cabinet est consulté par des propriétaires désireux de prouver la régularité de leur logement.

Bien entendu, cela ne pose aucun problème lorsque son existence est actée dans un permis d’urbanisme.

Toutefois, dans bon nombre de cas, le logement procède d’une division d’un immeuble qui n’a pas reçu un tel sacrement.

Pour autant, comme déjà mentionné dans plusieurs précédentes contributions, cela ne signifie pas pour autant que ledit logement est irrégulier.

En effet, jusqu’à la moitié des années ’90 la création de logement n’était pas soumise à permis d’urbanisme, que cela soit à Bruxelles (1er décembre 1993) ou en Région wallonne (20 août 1994).

Encore faut-il démontrer la préexistence du logement.

Il y a encore quelques années, cette démonstration était effectuée par la simple production d’un historique des domiciliations ainsi que de l’historique des compteurs.
Ainsi, à supposer qu’il ressortait de ces deux documents, de manière concordante, qu’un immeuble était occupé, de manière simultanée, par deux chefs de ménage et présentait deux compteurs d’électricité, l’existence de deux logements pouvait être démontrée.

Toutefois, de plus en plus, nous constatons que les autorités communales estiment qu’une telle démonstration est insuffisante.

Ainsi, dans une affaire traitée récemment, l’autorité administrative considérait que :

« Les éléments de preuves à apporter doivent permettre à l’autorité compétente de déterminer avec précision la répartition spatiale des logements réalisés sans permis d’urbanisme. Les listes d’habitations ou d’installations fournies seules ne nous permettent pas de déterminer les répartitions et les aménagements des logements. Par ailleurs, les listes d’habitation sont trop imprécises sur les étages réellement occupés et les désinscriptions rarement à jour lors des changements d’occupants (…).
Par contre, des baux, factures pour travaux, rapports d’expertises pour garanties bancaires ou dégâts assurés, nous permettraient de disposer de descriptifs plus précis. Ce sont ces documents, fournis à l’appui des compteurs installés et des occupants qui constituent un faisceau de preuves probantes ».

Certes, l’historique des domiciliations et l’historique des compteurs peuvent être, le cas échéant, utilement accompagnés par les données émanant du cadastre, les factures de consommation d’eau, les factures relatives à l’aménagement de travaux intérieurs, des annonces de mise en vente, des actes de ventes, des baux, des rapports d’expertise…

Encore faut-il que l’actuel propriétaire des lieux ait accès à ces documents. Or, le temps est mauvais allié, chaque instant nous séparant encore un peu plus du 1er décembre 1993 (Région de Bruxelles-Capitale) ou du 20 août 1994 (Région wallonne).

Eu égard aux mutations successives, le nouveau propriétaire sera généralement dans l’impossibilité de produire des baux, des annonces, des factures, des rapports d’expertise vieux de plus de 25 ans.
Imposer au nouveau propriétaire qui n’est pas à l’origine des travaux de produire des documents qu’il ne peut raisonnablement pas posséder apparait manifestement abusif.

A cet égard, il convient de se référer à l’article 8.6 du Livre VIII du Code civil lequel est libellé comme suit :

« Sans préjudice de l’obligation de toutes les parties de collaborer à l’administration de la preuve, celui qui supporte la charge de la preuve d’un fait négatif peut se contenter d’établir la vraisemblance de ce fait.
La même règle vaut pour les faits positifs dont, par la nature même du fait à prouver, il n’est pas possible ou pas raisonnable d’exiger une preuve certaine ».

A notre estime, la preuve par vraisemblance doit pouvoir être admise dès lors que, comme exposé, ci-dessus, il n’est pas possible et, en tout état de cause, pas raisonnable d’exiger du propriétaire actuel la production d’une preuve certaine de l’antériorité de son logement.

A partir du moment où la vraisemblance des faits allégués est rapportée au moyen d’une présomption se fondant sur des indices concordants, il devrait être considéré que la régularité du logement est suffisamment démontrée.

En d’autres mots, la régularité d’un logement doit pouvoir être démontrée par vraisemblance, soit sur la production de l’historique des domiciliations et de l’historique des compteurs constituant un faisceau d’indices concordants.

Tout attitude contraire serait abusive.