La réforme des servitudes de vue et de jour : les servitudes de distances

Il est ici question des servitudes légales anciennement qualifiées de vue et de jour, sous le prisme du sous-titre 3 du Titre 5 du nouveau Code civil.
Dès le 1er septembre 2021, la réforme du droit de biens instaurée par la loi du 4 février 2020 (M.B., le 17 mars 2020) entrera, en effet, en vigueur.
Cette réforme influe inéluctablement sur la matière des servitudes légales de vue et de jour régie par les articles 675 et suivants de l’ancien Code civil.
Désormais, ces servitudes sont englobées au sein de la nouvelle notion juridique dénommée « distances » regroupant trois situations distinctes :
– Les distances pour les fenêtres, ouvertures de murs et autres ouvrages semblables ;
– Les distances de plantations ;
– Les branches et racines envahissantes.
Relativement aux distances nécessairement imposées pour aménager une fenêtre, une ouverture dans un mur, des balcons, des terrasses, voire tout autre ouvrage semblable dans une construction, l’article 3.132 §1er dispose que :
« Le propriétaire d’une construction peut y réaliser des fenêtres au vitrage transparent, des ouvertures de mur, des balcons, des terrasses ou des ouvrages semblables pour autant qu’ils soient placés à une distance droite d’au moins dix-neuf décimètres de la limite des parcelles. Cette distance est mesurée par une ligne tracée perpendiculairement à l’endroit le plus proche de l’extérieur de la fenêtre, de l’ouverture de mur, du balcon, de la terrasse ou des ouvrages semblables jusqu’à la limite des parcelles.
Un propriétaire ne peut placer de fenêtres, d’ouvertures de mur, de balcons, de terrasses ou d’ouvrages semblables dans ou sur un mur mitoyen ».

La nouvelle réglementation institue, en matière de servitudes légales, une révolution en ce qu’elle rompt notamment avec les acceptions désuètes de « vues droites » et « vues obliques », de « jours » ainsi qu’avec l’imposition des distances ou hauteurs particulières à respecter en fonction du type de mur et des vues et/ou des jours pratiqués au niveau du rez-de-chaussée ou au niveau des étages supérieurs d’un immeuble.
Dorénavant, une distance uniforme de dix-neuf décimètres pour tout ouvrage tel que défini au sein de l’article 3.132 §1er du nouveau Code civil est prescrite.
Cette distance sera comptabilisée en traçant, conceptuellement, une perpendiculaire à partir du point le plus proche de l’ouvrage concerné jusqu’à l’extrémité de la parcelle voisine.
Force est de constater que la distance précédemment requise pour les vues obliques (6 décimètres) a disparue. Dans ces circonstances, il parait donc possible d’installer une fenêtre en façade arrière d’un immeuble à moins de 60 décimètres de la limite de propriété des parcelles de gauche ou de droite, dès lors que celle-ci sera, en tout état de cause, placée à une distance, mesurée perpendiculairement, de plus d’1m90 (cette perpendiculaire étant parallèle à la limite de propriété).
Aussi, à la lecture de la disposition précitée, la distance à devoir respecter est indépendante de l’existence effective ou non d’une vue depuis l’ouvrage en question vers la parcelle voisine.
Au terme du 1er premier de l’article 3.132 du Code Civil, toutes les fenêtres, les balcons ou autres ouvrages semblables doivent être aménagé à une distance de 19 décimètres de la limite de propriété et ce, indépendamment de l’existence d’un mur séparatif qui empêcherait toute vue depuis ces fenêtres, balcons ou autres ouvrages vers les biens voisins.
Toutefois, cette sévérité est aussitôt tempérée par le paragraphe 2 de l’article 3.132 précité. Dans ce paragraphe, il est ainsi indiqué que le voisin ne peut exiger l’enlèvement des ouvrages érigés en violation de la distance précitée que si celui-ci est de nature à engendrer un risque pour la vie privée et les bonnes relations de voisinages.
Le paragraphe 2 de cette disposition est rédigé comme suit :

« Le voisin peut exiger l’enlèvement des ouvrages qui ont été érigés en violation de cette distance, sauf si :
1° il existe un accord sur ce point entre les voisins ;
2° au moment de la réalisation des travaux, sa parcelle appartenait au domaine public ou était un bien indivis accessoire à la construction dont l’ouvrage concerné fait partie ;
3° les ouvrages ne peuvent engendrer le moindre risque pour la vie privée et les bonnes relations de voisinage, par exemple parce que la vue ne porte pas plus loin que dix-neuf décimètres à partir de ces ouvrages ;
4° la fenêtre, l’ouverture de mur, la terrasse, le balcon ou les ouvrages semblables se trouvent depuis au moins trente ans à l’endroit concerné ».

Hormis les quatre casuistiques sus-décrites et sous réserve de la théorie de l’abus de droit, le voisin lésé par un ouvrage méconnaissant la distance légale susdite peut donc en solliciter la suppression.

En théorie, en matière de servitudes légales, le nouveau Code civil semble satisfaire à une modernisation de ce droit réel immobilier fréquemment usité, tant en milieu urbain qu’en milieu rural.

En pratique, sa mise en application demeure une énigme, tant la disparition des concepts juridiques ancestraux (notamment celui des servitudes légales de jour, à savoir un ouvrage ne permettant que de laisser passer la luminosité) laisse perplexe.

Quant aux effets dans le temps de la loi du 4 février 2020, les dispositions transitoires reprises au sein de l’article 37 prévoit, en synthèse, que ladite loi s’applique à tous les actes juridiques et faits juridiques qui ont eu lieu après son entrée en vigueur.
Au demeurant, il convient de spécifier que les dispositions de la loi précitée ne peuvent porter atteinte aux droits qui auraient été acquis avant l’entrée en vigueur de la présente loi.