La confiscation des loyers provenant de logements irréguliers (Division et infraction urbanistique)

De manière constante, le Ministère public requiert la confiscation des loyers des logements créés en infraction urbanistique.

« La base légale est l’article 42 du Code pénal lequel dispose que « la confiscation spéciale s’applique :
1° Aux choses formant l’objet de l’infraction et à celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre, quand la propriété en appartient au condamné ;
2° Aux choses qui ont été produites par l’infraction.
3° Aux avantages patrimoniaux tirés directement de l’infraction, aux biens et valeurs qui leur ont été substitués et aux revenus de ces avantages investis
».

A supposer que ces logements soient loués depuis quelques années, le montant de la confiscation peut devenir, très vite, vertigineux.

Heureusement, il est possible d’observer, sur ce point, une évolution positive de la jurisprudence.

A l’occasion de l’arrêt du 15 décembre 2021 (RG P.21.0976.F/1), la Cour de cassation a confirmé que :

« Le juge répressif décide souverainement en fait qu’un avantage patrimonial sur lequel porte la confiscation spéciale a été tiré directement d’une infraction. La Cour vérifie si, sur la base de cette appréciation souveraine, le juge n’a pas méconnu la notion légale d’avantage patrimonial ».

Partant, dans le cas qui lui était soumis, la Cour a considéré que :

« Les juges d’appel ont pu considérer que le profit licite rapporté, au cours d’une période déterminée, par un immeuble divisé légalement en six appartements équivaut au total des loyers perçus durant cette période pour les six unités. Partant, ils ont pu identifier l’actif illicite aux loyers obtenus grâce aux logements surnuméraires illégalement aménagés dans le même immeuble ».

La Cour de cassation estime donc qu’il faut prendre en considération les revenus licites que génèrent un immeuble (les loyers des six logements réguliers) et que ceux-ci doivent être pris en considération lors de la détermination du montant pouvant faire l’objet d’une confiscation spéciale.

Par un arrêt du 23 février 2022, la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles au motif qu’elle n’a pas exposé les raisons pour lesquelles la confiscation prononcée par ses soins portait tant sur les loyers produits par la location de logements irréguliers que sur les charges locatives versées au propriétaire par les locataires.

Cet arrêt est rédigé comme suit :

« Dans ses conclusions déposées au greffe […], le demandeur a fait valoir que « dans le loguer, […] une partie du montant perçu servirait à couvrir les charges [qu’il] continuait à assumer », que « le montant de la confiscation ne peut excéder celui de l’avantage patrimonial supposé de l’infraction », que « les loyers étaient pour la plupart charge incluses », qu’ « il serait inconcevable [qu’il] soit condamné à supporter les consommations électriques et d’eau de ses locataires », qu’ « il convient d’ôter de l’éventuelle peine de confiscation les charges payées pour les locataires » (…).

(…)

La cour d’appel a ordonné la confiscation par équivalent d’une somme de […] euros, correspondant à l’actif illicite que le demandeur a tiré des infractions consistant à avoir créé, sans permis d’urbanisme préalable écrit et exprès du collège des bourgmestre et échevins, sept unités de logement supplémentaires dans une construction existante […] et à avoir maintenu ces travaux exécutés sans permis […] ».

Il ressort de l’arrêt que les juges d’appel ont évalué cette somme en prenant en considération un loyer mensuel, par unité de logement illégalement créée de […] euros « charges comprises ».

Par aucun motif, l’arrêt ne répond à la défense précitée ».

Dans son arrêt du 27 avril 2022 (RG 2016CO647), la Cour d’Appel de Bruxelles a été encore plus loin.

Cet arrêt est motivé comme suit :

« S’il s’imposerait, en principe, de priver les prévenus des gains tirés de leurs activités de location menées au mépris de leurs obligations urbanistiques, faire, cependant, droit aux réquisitions du ministère public visant à confisquer l’intégralité des loyers perçus par eux reviendrait à considérer leur immeuble comme sans affectation locative possible, alors même que l’administration a accepté qu’un dépôt d’entreprise puisse être établi à l’étage supérieur du bâtiment, pouvant nécessairement être donné en location et, partant, générer des loyers.

A défaut d’élément concret d’appréciation démontrant la mesure dans laquelle les prévenus auraient perçu, de la commission des infractions, des loyers supérieurs à ceux qu’ils auraient pu légalement prétendre au titre de la mise en location de leur dépôt d’entreprise, la cour estime ne pas être en mesure d’ordonner la confiscation par équivalent sollicitée, à défaut de pouvoir évaluer, ainsi, de manière précise, le produit exact de l’infraction ».

Cet arrêt est à saluer. Bien entendu, tout immeuble présente une valeur locative (à défaut de quoi, il n’y aurait pas de revenus cadastraux).

Ainsi, une habitation unifamiliale est source de revenu indépendamment de la division irrégulière en plusieurs logements dont elle aurait pu faire l’objet.

Cette valeur locative licite ne peut donc être niée. Elle doit être prise en considération dans la détermination de l’avantage patrimonial qui pourrait faire l’objet d’une confiscation.

Ce n’est donc qu’en effectuant une comparaison entre valeur locative licite et le montant total des loyers tirés de l’infraction urbanistique qu’il est possible de déterminer l’existence et l’ampleur de l’avantage patrimonial pouvant éventuellement faire l’objet d’une confiscation.