Mitoyenneté – Relations de voisinage – Clôture mitoyenne – Mur mitoyen – Quoi de neuf ?

La loi du 4 février 2020 portant le Livre III du nouveau Code civil intitulé « Les biens » contient en son Titre 5 dénommé « Relations de voisinage », un sous-titre 2 « Clôture mitoyenne » (M.B., le 17 mars 2020).

Ce sous-titre comprend les normes juridiques spécifiques régissant la mitoyenneté, le régime de la copropriété de droit commun étant applicable pour le surplus.

La présente contribution examine, de manière non exhaustive, la notion de « clôture mitoyenne » (en ce compris les murs mitoyen), les droits ainsi que les obligations des copropriétaires engagés dans une relation de voisinage de type mitoyenne.

Les mécanismes légaux d’acquisition originaire forcée, de cession forcée de mitoyenneté et d’acquisition forcée de mitoyenneté feront l’objet d’une contribution complémentaire.

La mitoyenneté : notions

Par référence au prescrit de l’article 3.103. du nouveau Code civil, la mitoyenneté est « un droit de copropriété d’une clôture séparative, qu’il s’agisse d’un mur, d’une haie, d’un fossé, d’une palissade, d’un grillage ou de tout autre élément matériel ».

Toute délimitation entre deux propriétés foncières, indépendamment de sa matérialité, relève du concept juridique de la mitoyenneté.

La détermination du caractère privatif ou commun des dispositifs mitoyens a été abordé au sein de l’article 3.105. du nouveau Code civil.

Cet article énonce que : « les clôtures réalisées en limite séparative ou à cheval sur la ligne séparative sont présumées mitoyennes, sauf prescription acquisitive ou titre contraire ».

Cette présomption réfragable (c’est-à-dire, susceptible de la preuve du contraire) pourra être renversée par des marques de non-mitoyenneté limitativement énumérées par ledit article dans l’éventualité où l’établissement de la clôture (en ce compris, les murs) à cheval sur la ligne séparative est incertaine.

Les marques de non-mitoyenneté prévaudront ainsi essentiellement voire exclusivement envers les clôtures jointives.

Ces marques de non-mitoyenneté ont été circonscrites de la manière suivante :
« – un mur est présumé appartenir au propriétaire du fonds vers lequel son sommet est incliné ou du côté duquel il existe des éléments architecturaux attestant de son caractère privatif ;
– un fossé est présumé appartenir au propriétaire du fonds du côté duquel se trouve le rejet de terre ;
– une clôture est présumée appartenir au propriétaire du fonds clos lorsqu’un seul des fonds est entièrement clôturé ».

Cependant, sauf prescription acquisitive ou titre contraire, un mur de soutènement sur lequel le voisin n’exerce aucun droit est présumé privatif au propriétaire du fonds dont il soutient les terres.

A noter qu’en son arrêt du 20 mai 1999, la Cour de cassation considère que l’appréciation du caractère privatif ou commun des aménagements mitoyens s’effectue lors de la survenance de la contestation et non lors de l’acquisition du fonds et/ou de l’érection de la construction (Cass., arrêt du 20 mai 1999, J.L.M.B., 2000, p. 464).

Les droits des copropriétaires mitoyens

Toute clôture mitoyenne est présumée appartenir pour moitié en copropriété à chacun des deux propriétaires, sauf preuve contraire.

Concurremment à ce principe, les prérogatives des copropriétaires mitoyens ont été réparties en deux catégories : les prérogatives ordinaires et les prérogatives spéciales.

Les prérogatives ordinaires s’appliquent aux clôtures mitoyennes tandis que les prérogatives spéciales s’appliquent aux murs mitoyens.

Au regard des prérogatives ordinaires visées par l’article 3.110. du nouveau Code civil, chaque copropriétaire peut utiliser et jouir de la clôture mitoyenne sans porter atteinte aux droits de l’autre.

A cet effet, chaque copropriétaire peut accomplir, seul, tous actes conservatoires ou d’administration provisoire ; en revanche, sans préjudice de l’application de la théorie de l’abus de droit, les « autres » actes d’administration et de disposition requièrent l’assentiment des copropriétaires.

Par ailleurs, relativement au droit d’usage et de jouissance, les copropriétaires peuvent agir comme s’ils étaient seuls propriétaires de la moitié de la clôture regardant vers leur fonds sous la réserve du respect de la destination de la clôture et de ne porter atteinte aux droits de l’autre.

Au regard des prérogatives spéciales visées par l’article 3.111. du nouveau Code civil, chaque copropriétaire peut faire bâtir contre un mur mitoyen et placer, en ce mur, tout ouvrage ou plantation jusqu’à la moitié de son épaisseur moyennant l’accord préalable du copropriétaire voisin ou, en cas de refus, après avoir fait régler par jugement les modalités nécessaires pour que cela ne nuise pas aux droits de l’autre.

Tout copropriétaire peut faire exhausser le mur mitoyen, à charge de supporter les dépenses liées à l’exhaussement et, le cas échéant, une indemnité pour la charge en résultant.

Néanmoins, si le mur originaire vantant une solidité normale s’avère inapte à supporter l’exhaussement, le copropriétaire exhausseur devra le faire reconstruire à ses entiers frais et l’excédent d’épaisseur éventuel doit se prendre de son côté.

A défaut de solidité normale, le copropriétaire exhausseur pourra contraindre le copropriétaire voisin à reconstruire le mur mitoyen dans les formes et conditions mentionnées à l’article 3.106. du nouveau Code civil.

Cette contrainte peut être esquivée si le copropriétaire voisin démontre l’inutilité du besoin actuel de pareil mur ainsi que son non-usage ; en telle occurrence, le mur mitoyen sera érigé aux frais exclusifs du copropriétaire exhausseur ; ce mur sera privatif, il pourra, d’ailleurs, être reconstruit à cheval sur la limite séparative des fonds sans aucune indemnisation pour la partie du sol empiété.

La partie du mur mitoyen exhaussé appartiendra au « copropriétaire exhausseur » lequel devra, corrélativement, en supporter les frais d’entretien, de réparation et de reconstruction.

Relativement au droit d’exhaussement, l’accord préalable et exprès du copropriétaire voisin ne paraît pas exigé à l’inverse du droit d’appui et d’enfoncement.

Les obligations des copropriétaires mitoyens

Les obligations des copropriétaires mitoyens sont organisées par l’article 3.112. du nouveau Code civil.
Les réparations d’entretien, les grosses réparations au sens des articles 3.153. et 3.154. ainsi que la reconstruction d’une clôture mitoyenne sont à la charge des copropriétaires, chacun en proportion de leurs droits.
En matière de mitoyenneté, les parts étant présumées égales conformément à l’article 3.104. du nouveau Code civil, les charges ordinaires et spéciales sont donc réparties pour moitié.
Cette répartition ne prévaudra pas si :
– les charges sus-décrites ont été exclusivement occasionnées par l’un des copropriétaire ;
– l’un des copropriétaires abandonne au profit du copropriétaire voisin la mitoyenneté de la clôture mitoyenne ; en telle hypothèse, ce copropriétaire ne sera pas tenu de contribuer aux grosses réparations ou à la reconstruction pour autant qu’il n’ait pas été l’auteur des dégradations ni ne continue à utiliser effectivement la clôture mitoyenne.
Ledit copropriétaire demeurera cependant tenu des charges ordinaires ;
– en l’alternative à la faculté d’abandon, le copropriétaire voisin pourra exiger la destruction, à frais communs de la clôture mitoyen.
La mitoyenneté a été insérée, au sein du nouveau Code civil, au niveau du Titre 5 « Relations de voisinage ».
A l’instar de toute relation de voisinage, tout agissement ou toute inaction en matière de mitoyenneté nécessitera, au préalable, aux fins d’éviter tout conflit, à tout le moins, de renseigner son copropriétaire voisin voire d’obtenir son accord notamment quant à la faculté d’appui et d’enfoncement légalement consenti.

La prudence est de rigueur.