Cette contribution traite la question relative aux mécanismes légaux d’acquisition et de cession de la mitoyenneté.
L’acquisition originaire forcée
Ce mécanisme est visé par l’article 3.106 du Livre 3 du nouveau Code civil lequel stipule que :
« Entre deux parcelles dont une au moins est bâtie, chaque propriétaire peut exiger du propriétaire de la parcelle contiguë qu’il participe à l’érection d’une clôture mitoyenne, à moins qu’une clôture privative ne se trouve déjà le long de la limite séparative.
En cas de réalisation d’une clôture mitoyenne, les propriétaires contribuent aux frais à parts égales.
Si un des deux voisins souhaite que soit érigé un mur pouvant servir d’appui à un ouvrage, il peut imposer à son voisin que la clôture consiste en un mur présentant une solidité, une largeur et une hauteur normales selon la destination des biens. Toutefois, si le voisin sollicité démontre qu’il n’a aucun besoin actuel de pareil mur et qu’il n’en fera aucun usage, le mur est érigé aux frais exclusifs du demandeur et est privatif à ce dernier mais il peut être construit à cheval sur la limite séparative des fonds sans aucune indemnisation pour la partie du sol correspondant à l’empiètement ».
Un propriétaire peut ainsi contraindre le propriétaire voisin à participer à parts égales à la construction d’une clôture mitoyenne, à savoir l’aménagement de tout dispositif destiné à séparer les parcelles contigües : un mur, une haie, un fossé, une palissade, un grillage ou de tout autre élément matériel.
Aucune limite de hauteur n’est légalement imposée quant au dispositif choisi (pour cela, il conviendra généralement de se référer aux règlements communaux).
Cependant, l’activation de cette contrainte ne pourra s’opérer que si l’une de parcelle riveraine est bâtie ; en revanche, la désactivation de ladite contrainte se matérialisera par la préexistence d’une clôture privative.
Le cas échéant, en effet, ce mécanisme n’a pas vocation à s’appliquer.
Il échet de préciser que le propriétaire qui entend vouloir ériger un mur affecté à l’appui d’un ouvrage, peut exiger une conception en termes de structure, d’épaisseur et de hauteur rencontrant spécifiquement cette affectation ; le propriétaire voisin démontrant l’absence de « besoin actuel » et l’absence d’ « usage » d’un tel mur, pourra refuser de participer aux coûts liés à son édification.
La contrepartie de cette non-participation consistera à délaisser la pleine propriété du mur érigé sans aucune indemnisation à percevoir quand bien même sa construction empièterait sur sa parcelle.
La cession forcée de la mitoyenneté
Ce mécanisme est visé par l’article 3.107 du Livre 3 du nouveau Code civil lequel énonce que :
« Tout propriétaire joignant une clôture peut la rendre mitoyenne, en tout ou partie, en payant au propriétaire de la clôture la moitié de sa valeur ou de la valeur de la partie de clôture qu’il souhaite rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol d’assise correspondant ».
Ce mécanisme diverge de l’acquisition originaire forcée en ce qu’une clôture mitoyenne est préexistante.
Concrètement, dans ce cas, les propriétés foncières attenantes sont délimitées par une clôture mitoyenne.
Ainsi, le propriétaire voisin qui entend joindre une telle clôture excipe de la faculté de la rendre mitoyenne totalement ou partiellement (en profondeur et en hauteur mais à l’exclusion de son épaisseur) moyennant une rétribution au propriétaire de la clôture mitoyenne existante équivalente à la moitié de sa valeur et de la moitié de la valeur du sol d’assise s’y rattachant.
Ces valeurs s’apprécieront au moment de l’acquisition de la mitoyenneté.
L’acquisition forcée de la mitoyenneté
Ce mécanisme est visé par l’article 3.108 du Livre 3 du nouveau Code civil lequel dispose que :
« Celui qui commet une voie de fait ou une usurpation valant prise de possession d’une clôture privative et qui n’y met pas fin dans un délai raisonnable, peut être contraint d’en acquérir la mitoyenneté et de payer au propriétaire de la clôture la moitié de la valeur de la partie qu’il usurpe et la moitié de la valeur du sol d’assise correspondant ».
La voie de fait ou l’usurpation valant prise de possession peut amener le propriétaire de la clôture privative à forcer son auteur à acquérir la mitoyenneté de la clôture privative.
Cependant, le propriétaire subissant l’usurpation doit préalablement notifier au propriétaire commettant une « voie de fait ou « une usurpation » de cesser son agissement.
La voie de fait ou l’usurpation nécessite un contact physique entre la clôture privative et l’ouvrage du propriétaire voisin ainsi qu’une intention réelle de s’approprier ladite clôture.
A ce titre, suivant la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le simple fait de retirer un avantage des fonctions essentielles (portante, protectrice, isolant,…) d’un mur ne constitue pas une prise de possession justifiant l’acquisition forcée de la mitoyenneté.
Les mesures d’isolation apposées sur un mur mitoyen ne paraîtrait, à l’aune d’un courant majoritaire jurisprudentiel, ne pas relever d’une voie de fait ou d’une usurpation ; ces mesures résulteraient d’une obligation d’exécuter des travaux dans les règles de l’art sans emporter une intention d’acquérir la mitoyenneté du mur voisin.
Un raisonnement analogue pourrait être tenu relativement aux constructions auto-portantes fréquemment préconisées par les architectes. Cette technique de construction consent l’existence en tant que telle du bien immeuble malgré sa jonction au mur mitoyen.
Les mécanismes sus-décrits, originellement prétoriens, ont désormais une assise légale laquelle tend à concilier plus commodément, d’une part, les fonctions de clôture et d’appui des clôtures mitoyennes ; d’autre part, la recherche d’un équilibre des droits et obligations dévolus aux propriétaires riverains.
En tout état de cause, quel que soit le mécanisme à lever, il est de bon aloi préalablement d’avertir son propriétaire riverain aux fins de préserver la bonne entente de voisinage.