Suspension des expulsions en Région wallonne

Suspension des expulsions

En séance plénière du 21 septembre 2022, le Parlement wallon a adopté un décret relatif « à la suspension de l’exécution des décisions d’expulsions administratives et judiciaires ».

L’article 1er, §1er, de ce décret dispose que :

« L’exécution de toutes les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile est suspendue du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023 ».

Par exception à cette mesure générale de suspension des expulsions, le second paragraphe de cette disposition précise que seules les expulsions motivées pour des raisons de sécurité publique, de péril imminent pour la santé physique et mentale des occupants ou de dégradations volontaires du bien peuvent être exécutées.

En outre, il peut être observé que ce moratoire sur les expulsions ne concerne que les locataires qui se sont domiciliés dans les lieux loués, ce qui exclut bon nombre de situation de son champ d’application.

A la lecture des travaux préparatoires, ce décret a été adopté « pour faire face aux conséquences de la crise énergétique » (Doc. parl. wal., 2022-203, 1028 n°1).

Plus précisément, les parlementaires à l’origine de la proposition de décret expliquent que :

« La crise énergétique entraîne une très forte augmentation des prix du gaz et de l’électricité et de nombreux citoyens sont fortement impactés et feront face à de grandes difficultés pour honorer le paiement de leurs charges énergétiques et de leur loyer. Il en découle une forte probabilité que les impayés de loyer augmentent de manière significative conduisant ainsi à l’expulsion des ménages déjà fortement impactés et précarisés par la crise énergétique. Eu égard à ces éléments, il convient de prendre une mesure permettant de limiter le risque de paupérisation et d’éviter de mettre ces ménages encore plus en difficulté en les privant de leur logement » (Doc. parl. wal., 2022-203, 1028 n°1).

Les travaux préparatoires concluent enfin sur l’impact limité de cette mesure puisqu’ « elle ne s’appliquera que pendant une période très limitée dans le temps ».

Bien entendu, l’intention qui a conduit à l’adoption de ce décret est louable puisqu’il vise à assurer une protection des locataires se trouvant dans une situation de précarité résultant de la flambée des prix de l’énergie.

Toutefois, on peut se demander pourquoi il appartient au propriétaire, qui peut également être en situation de précarité, de supporter les coûts de cette solidarité.

Aussi, il peut être regretté le caractère général de cette mesure qui s’appliquera à tous les locataires, indépendamment de leur état de fortune et des motifs ayant conduit au jugement ordonnant l’expulsion des lieux (par exemple : non-respect de l’interdiction de sous-location, modification de la destination des lieux, bail arrivé à échéance…).

Aussi, affirmer que cette mesure est d’impact limité dès lors qu’elle ne concernerait qu’une période très limitée dans le temps est à relativiser en fonction de la durée du bail qui avait été initialement conclu (ainsi, si le bail concerné était d’un an, l’interdiction d’expulsion couvrirait plus d’1/3 de sa durée).

Enfin, sur le plan pratique, il peut être relevé que ce décret ne suspend pas la possibilité pour un propriétaire d’introduire une requête en expulsion auprès du Juge de Paix.

Partant, au vu du laps de temps nécessaire pour obtenir un jugement et, ensuite, son exécution par l’intervention d’un huissier, dans un nombre important de cas, la mesure commentée n’aura finalement que peu d’incidences.

Ainsi, la majorité des propriétaires qui seront confrontés à cette interdiction d’expulsion sera celle qui a déjà agi en justice pour obtenir l’expulsion des locataires ou qui vont le faire dans un avenir très proche.

Dans ces circonstances, nous pouvons encore une fois douter de la justesse de cette mesure et de la formule choisie pour venir en aide aux personnes victimes de la crise énergétique.