Vente d’un immeuble en infraction urbanistique. La garantie d’éviction

Conformément à l’article 1626 de l’ancien Code civil, le vendeur doit garantir l’acquéreur d’une éviction totale ou partielle.

Classiquement, la garantie du vendeur englobait l’éviction provenant de son fait personnel ainsi que l’éviction provenant des troubles de droit du fait d’un tiers.

Le trouble de droit comprenait les prétentions vantées par un vendeur ou un tiers à être titulaire d’un droit réel ou personnel sur le bien immeuble vendu.
Cette acceptation du trouble de droit est révolue.

En son arrêt du 31 mars 2017, la Cour de cassation a dit pour droit qu’ :

« en vertu de l’article 1626 du Code civil, le vendeur est obligé à garantir l’acquéreur des troubles de droit émanant de tiers.
Il s’ensuit que le vendeur doit garantir l’acheteur lorsqu’un tiers prétend disposer d’un doit concernant le bien vendu et que ce droit porte atteinte à la possession paisible de l’acheteur. C’est le cas lorsqu’à défaut d’un permis urbanistique, un tiers a le droit d’introduire une action en réparation au sens des articles 6.1.41, 6.1.42, 6.1.43 et 6.1.44 du Code flamand de l’aménagement du territoire ».

Consécutivement à cet arrêt, le trouble de droit englobe les atteintes à la jouissance paisible de l’acquéreur relativement au bien immeuble lui vendu.
Le trouble de droit ne se limite donc pas aux prétentions de droit du vendeur ou d’un tiers sur le bien immeuble vendu, une atteinte à la jouissance paisible de ce bien pouvant aussi constituer un trouble de droit.

La garantie d’éviction prévient donc désormais le trouble au droit de propriété ou à la possession paisible du bien acquis.

Le vendeur peut ainsi devoir garantie contre les troubles d’éviction émanant de son propre fait mais aussi des troubles d’éviction émanant des tiers quand bien même ces tiers n’émettent aucune prétention personnelle ni ne portent atteinte à la propriété de l’acquéreur mais bien à sa jouissance.

En matière de répression des infractions urbanistiques, les autorités communales ou régionales compétentes peuvent assurément entraver la jouissance paisible de l’acquéreur, notamment, lorsqu’en décelant l’état infractionnel du bien vendu au regard des prescriptions urbanistiques, ces autorités lui intiment de procéder à la remise en pristin état du bien vendu, à l’introduction d’une demande de permis d’urbanisme de régularisation…

En effet, de par leurs compétences sanctionnatrices, ces autorités n’excipent qu’aucune titularité d’un droit réel ou personnel sur le bien immeuble vendu ni, par ailleurs, ne lèse la propriété de l’acheteur ; cependant, lesdites autorités contrarient manifestement la jouissance paisible de l’acheteur.

Concrètement, le recours à cette garantie permet à l’acquéreur d’un bien immeuble grevé d’une infraction urbanistique de postuler la résolution du contrat de vente en cas d’éviction totale ou la réparation par équivalent en cas d’éviction partielle.

L’éviction totale présume :

– la restitution du prix ;
– la restitution des fruits si, du moins, l’acquéreur est contraint de les rembourser au vendeur ;
– la restitution des frais et loyaux coûts du contrat ;
– le paiement de dommages et intérêts.

L’éviction totale pourrait être rencontrée en cas de demande de démolition du bien acquis ou de sa modification substantielle.

L’éviction partielle présume :

– la restitution de la moins-value occasionnée par la cause d’éviction ;
– le paiement de dommages intérêts à la condition qu’un lien de causalité existe entre le préjudice et la cause d’éviction (à titre exemplatif, les frais déboursés aux fins d’obtenir la régularisation de l’irrégularité urbanistique).

L’éviction partielle pourrait être rencontrée en cas de demande de remise en pristin état d’une annexe non couverte par un permis d’urbanisme ou de transformer son bien en une habitation unifamiliale acquise pourtant en tant qu’immeuble de rapport.

La mobilisation dudit recours est subordonnée au délai de la prescription décennale.

La connaissance personnelle de l’acquéreur de la cause d’éviction préalablement à la conclusion du contrat de vente n’a aucune incidence sur l’obligation de garantie du vendeur (Cass., arrêt du 3 février 1977, J.T., 1977, p. 327). Il en va de même quant à sa bonne ou mauvaise foi.

La garantie d’éviction du vendeur peut être circonscrite par la souscription d’une clause contractuelle limitative ou exonératoire de garantie.

Toutefois, le vendeur ne peut se dédouaner de garantir une cause d’éviction émanant de son fait personnel ; par ailleurs, un dédouanement général n’est nullement consenti, le vendeur devra indiquer expressément la cause d’éviction insoumise à garantie.

A défaut de garantie spécifique, le vendeur demeurera tenu, à tout le moins, de restituer totalement ou partiellement le prix de vente.

En conclusion, l’acquéreur d’un bien immeuble affecté d’une infraction urbanistique peut se prévaloir de la garantie d’éviction lorsqu’une administration publique ou tout autre tiers lésé perturbe sa possession paisible sans remettre en cause pour autant sa propriété.