La responsabilité du Notaire dans le cadre d’une vente d’un bien en infraction urbanistique

Le cas d’espèce est le suivant : vous achetez un bien immobilier. Le compromis et l’acte authentique sont signés en l’étude du notaire instrumentant. Ultérieurement, vous découvrez que l’immeuble est affecté d’une infraction urbanistique, information qui ne vous avait pas été donnée lors de la vente.

La responsabilité du vendeur peut-elle être engagée ? Un précédent article disponible ici répond à cette question.

La responsabilité du notaire peut-elle être engagée ? La réponse est reprise ci-desous.

Par sa fonction d’officier ministériel, le notaire est légalement investi des devoirs d’information et de conseil envers les parties.

Ceci est consacré par l’article 9 §1 aliéna 3 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat lequel est rédigé comme suit :

« Le notaire informe toujours entièrement chaque partie des droits, des obligations et des charges découlant des actes juridiques dans lesquels il intervient et conseille les parties en toute impartialité ».

Ces devoirs d’information et de conseil relèvent de l’ordre public.

Leur méconnaissance peut engager la responsabilité civile professionnelle des Notaires.

A l’occasion d’un arrêt du 16 janvier 2017, la Cour d’appel de Liège a estimé qu’en matière urbanistique, le devoir d’information du Notaire ne peut se limiter à solliciter les renseignements urbanistiques auprès des autorités communales compétentes.

Ce devoir comprend un devoir d’investigation lequel consiste à vérifier la documentation fournie tant par les parties que les autorités administratives interrogées relativement, entre autres, à la situation urbanistique du bien immeuble.

L’accomplissement dudit devoir doit être d’autant plus minutieux si une divergence survient entre la situation de fait et la situation de droit du bien immeuble concerné.
A défaut d’une telle vérification, la responsabilité du Notaire peut être engagée et conduire à sa condamnation à indemniser le préjudice subi par l’acquéreur.

Dans un arrêt du 7 mai 2020 (Cass., arrêt du 7 mai 2020, C.19.0273.N/3, www.juportal.be), la Cour de Cassation a considéré qu’ :

« en vertu de l’article 9, §1er, alinéa 3, de la loi sur le notariat, le notaire informe toujours entièrement chaque partie des droits, des obligations et des charges découlant des actes juridiques dans lesquels elle intervient et conseille les parties en toute impartialité. Ce devoir de conseil et d’information, qui comprend également un devoir de recherche et d’enquête, est une obligation de moyen dont le respect sera apprécié par rapport au comportement d’un notaire normalement diligent placé dans les mêmes circonstances. A cet égard, il sera notamment tenu compte de la connaissance et de l’expérience des parties, de leur attentes légitimes et des informations dont dispose le notaire ».

« Les juges d’appel, qui ont considéré qu’on ne peut attendre d’un notaire, dans le cadre des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 9, §1, alinéa 3, de la loi sur le notariat, qu’il vérifie, lors de la description du bien immobilier concerné dans les actes qu’il doit rédiger, si celle-ci correspond aux plans techniques de construction tels qu’ils ont été approuvés sur le plan urbanistique, même s’il dispose de ces plans, sans vérifier in concreto si cela s’applique également à la rédaction d’actes qui concernent la construction d’un immeuble à appartements, n’ont pas légalement justifié leur décision que le notaire n’a pas commis de faute ».

Dans cet arrêt, la Cour de cassation a donc estimé que le Notaire aurait dû examiner si la description du bien immeuble figurant, notamment, au sein de l’acte de base était conforme aux plans se rattachant au permis d’urbanisme dont il disposait.

La Cour de cassation a ainsi confirmé la jurisprudence issue de l’arrêt prononcé par la Cour d’appel de Liège.

Le Notaire, en vertu de ses devoirs d’information et de conseil, est tenu de vérifier la conformité urbanistique du bien vendu par référence aux informations que ce dernier a en sa possession quant à la situation urbanistique dudit bien.

Conclusion:

En matière de vente immobilière, le Notaire instrumentant joue un rôle central. Il assure la rédaction de l’acte de l’authentique de vente, reçoit l’acte authentique et assure sa transcription auprès du Bureau compétent de l’Administration générale de la documentation patrimoniale.

Ces missions revêtant un caractère tant contractuel que légal s’accompagne de devoirs à rencontrer adéquatement.

Aux devoirs d’information et de conseil, se rattache un devoir de recherches et d’investigations qui doit permettre de garantir aux parties la sécurité juridique de l’opération envisagée notamment par l’obtention de renseignements de qualité et de vérifications des renseignements recueillis.

En matière de vente immobilière, au regard des jurisprudences sus-évoquées, le Notaire doit revêtir un rôle proactif.

Il est tenu de procéder à certaines vérifications ayant trait à la conformité de la situation du bien immeuble vendu au regard des prescriptions urbanistiques.

Ce devoir de recherches et d’investigation ne doit pas impliquer que le Notaire examine techniquement, à l’instar d’un architecte ou d’un géomètre, la régularité des actes et travaux accomplis sur le bien vendu par référence au permis d’urbanisme et/ou aux règles urbanistiques en vigueur.

Toutefois, il est désormais attendu que le Notaire, sur la base des renseignements qui lui sont communiqués par les parties, les administrations et/ou tout tiers intéressé, apprécie avec rigueur la conformité du bien vendu par référence à la réglementation urbanistique.